Des ruelles bien calmes. [Ethan]

Invité

¤ Il devait être trois heures du matin lorsque Margaret trouva le sommeil. C'était un sommeil agité. Elle n'aimait pas la nuit. Elle n'aimait guère plus le jour. Avant cela, elle avait lu. C'était un vieux livre, mais il n'y avait plus que cela. Qui trouvait le moyen d'écrire en ces périodes ? Elle avait lu un livre pour ne pas dormir. En ce moment, elle faisait des cauchemars, c'était insupportable. Elle se réveilla d'elle-même aux alentour de sept heures. Elle était en sueur. Elle avait rêvé de sa famille, comme tout le temps. Comme tout le monde. Elle n'était bien sûr pas la seule qui devait souffrir, mais ressentir cela était vraiment horrible. D'autres étaient trop petits lors de l'épidémie pour bien se rendre compte mais elle non, elle avait bien vécu avant. Elle n'avait vécu qu'avant. Depuis des années, ce n'était qu'une succession de jours sans vraiment de sens. Elle se leva puis prit une douche. Elle enfila ensuite un de ses jeans et une chemise d'homme. Elle aurait du jeter ses affaires. A lui. Mais elle n'y avait pas été capable. Qu'importe.
Huit heures quinze et Maggie se trouvait dans les ruelles. Elle n'allait nulle part. Elle errait, comme souvent le matin. Il n'y avait personne à cette heure-ci, elle pouvait réfléchir, bien que cela ne soit pas une si bonne idée. Elle ne vivait que dans le passée. Elle regarda un instant autour d'elle puis mit ses mains dans ses poches. Il y avait son téléphone portable. Parfois, on l'appelait bien sûr, mais ce n'était pas d'eux qu'elle attendait son coup de fil. Quelle idiote d'espérer encore. On lui avait dit quelques fois, elle s'était tellement énervée qu'elle avait frapper de toutes ses forces le malheureux qui lui avait dit. Que fait-on sans espoir ? ¤

L’aube se levant sur la ville était un spectacle merveilleux. Peut-être parce que l’aube représentait si bien l’espoir qu’avait fait naître la ville dans tous les cœurs. Les rayons naissants du soleil dardaient sur les immeubles et les bâtiments leur donnant une couleur ocre légèrement rosée. C’était véritablement un spectacle magnifique, dont la beauté aurait fait pleurer le diable. Mais un démon comme Ethan ne l’observait pas. En cette heure matinale, il se baladait dans les ruelles, le regard cloué sur ses chaussures. La nuit n’était pas de bon conseil pour le jeune homme et l’aube avait une beauté qui le glaçait de terreur. Parce que son symbole d’espoir n’échappait pas au jeune homme, pas plus que son lien étroit avec l’espoir que représentait New Eden. Un espoir qui avait fait battre son cœur il y a à peu près un an et demi et qu’il s’apprêtait à écraser sans pitié au nom d’une amitié tout à fait relative avec le chef des Renégats. Un simple ennui du jeune homme arrogant allait déclancher la pire des catastrophes pour tous ceux qui vivaient à New Eden, et nul remord ne venait hanter le jeune homme, bien au contraire, il s’en réjouissait. Pourtant il y avait en son esprit cette petite voix qui lui demandait comment il avait pu en arriver là, qu’est-ce qui lui était arrivé pour qu’il puisse souhaiter cela. C’est vrai qu’il n’a pas toujours été comme ça, à souhaiter la destruction de tout espoir, mais c’était un être tourmenté qui a choisit de ne plus souffrir.

Ses pas incertains le guidait droit devant lui. Chaque mètre carré de cette ville, il le connaissait. Ses preuves, il les avait déjà faites et maintes fois. Mais on se montrait réticent. Il faut dire que le leader des Traqueurs ne le portait pas dans son cœur. C’était le premier à dire de se méfier de lui, et non sans raison, bien évidemment, mais ça n’était pas Ethan qui lui en avait offert. Devenir Traqueur simplifierait pourtant tout, et accélérait le plan, réduirait considérablement le nombre de jour qui restait à New Eden, mais surtout le nombre de jour que Ethan passerait dans cette ville. Jouer les gentils et bon garçon ne le laissait pas, c’était un jeu qu’il avait appris rapidement à adopter assez jeune, mais il ne voulait plus laisser le doute s’insinuer en lui, il ne voulait plus se poser des questions comme : est-ce que je vais pouvoir réellement détruire la cité de tous ces pauvres gens ? Parmi les renégats il s’ennuyait peut-être mais au moins il ne pensait pas à de telles choses. C’était tellement curieux, on aurait dit qu’il avait soudain gagné un peu de morale à un jeu de hasard. Il ne fallait pas qu’il continue ainsi. Sinon son plan était voué à l’échec et il serait au mieux condamné à vivre à New Eden pour le reste de ses jours, au pire, probablement tué ou enfermé dans une quelconque prison à ruminer son échec. Et cela, le jeune homme ne pouvait certainement pas l’accepter. L’échec n’était pas une option.

Invité

¤ Margaret marchait dans ses rues poussiéreuses et bientôt ses chaussures seraient grises. Un gris étouffant, une de ces couleurs que l'on voyait partout, sauf peut-être le ciel. Elle regarda alors un instant l'horizon. C'était la seule chose qui n'avait pas changée. Comment cette beauté avait pu ne pas changé, pourtant elle se souvenait bien d'une réplique d'un film de l'époque qui disait à peu près ceci: « Un soleil rouge se lève, beaucoup de sang a dû couler cette nuit.» Pourtant le soleil était toujours aussi magnifique. A cette pensée, Maggie se mit à sourire, un sourire niais comme on en voyait rarement chez elle ses temps-ci. Elle souriait tout simplement parce qu'elle se souvenait de cette réplique idiote et fausse, elle le savait maintenant. Il ne faisait pas froid, un peu frais mais c'était le matin. Et puis, c'était rafraichissant, une haute température dès le matin et cela plombait la journée. Bien qu'elle ne faisait rien de ses journées.
Il lui fallait un travail. C'était certain. Peut-être même que si elle mettait beaucoup de temps dans ce travail - qu'elle n'avait pas encore - elle penserait un peu moins au passé pour se plonger dans le futur. Mais, elle ne savait rien faire. Margaret avait arrêter ses études à 15 ans, lorsqu'elle était tombée enceinte. Elle avait maintenant 28 ans et la seule chose qu'elle savait faire, c'était faire à manger. Super comme avenir. Et puis, elle ne cuisinait pas parfaitement bien d'ailleurs, surtout depuis qu'elle n'avait plus grand chose à préparer. La nourriture ne coulait pas à flot.
Et puis, il y avait ses Renégats qui ne lui disait rien qui vaille. Elle ne connaissait pas très bien cette histoire entre les Renégats et la Relève. Tout simplement parce qu'elle n'en avait rien à faire. Mais, il est vrai que depuis deux ans qu'elle était là, elle avait toujours eu à manger. Et puis, il se disait que les Renégats étaient d'une cruauté sans pareil, alors, même si la mort ne faisait pas vraiment peur à Margaret, elle ne préférait pas vraiment les approcher. Pourquoi se battre dans ce malheur ? C'était vraiment insensé. Non vraiment, que ce soit au niveau politique ou économique, la guerre n'était pas une solution. Maggie avait toujours été comme cela. Un peu Peace and Love sur les bords. Parfois on lui reprochait de ne jamais voir un danger approcher sous prétexte que les gens ont tous un bon côté. D'autres en revanche, la félicitait de ne pas craindre les autres sans les connaître. Tout dépend du point de vue. Et puis, qu'on la prenne pour une idiote ou non, ce n'était pas vraiment le plus inquiétant. Elle faisait sa petite vie, quoiqu'il puisse arriver.
Ainsi perdue dans ses pensées, elle s'installa sur un petit muret. Ses pieds ne touchaient plus le sol. Il faut dire qu'elle était petite, depuis son adolescence elle n'avait pas grandie -logique, elle faisait donc 1m57. Elle regarda le soleil mais surtout la ville. Les bâtiments encore endormis, la gare où il n'y avait plus de trains qui circulaient. C'était un peu mort. Quelle ironie. Alors qu'il n'y avait pas beaucoup de vivants, ils se comportaient comme des morts. Il faut profiter de la journée, profiter de cette matinée. En cherchant du travail peut-être. ¤

Sombre étaient les pensées du jeune homme alors que le soleil s’épanouissait dans le ciel. L’odeur désagréable de la ville lui parvenait un peu éventée par le vent frais venant du désert. Curieux comme il avait appris à aimer cette ville, alors qu’avant elle lui paraissait si arogante. Mais sans doute que son opinion sur New Eden était quelque peu modifiée par l’idée que lui en insuflait Quentin. La ville n’était pas si arogante que cela, mais si pleine d’espoir. L’espoir n’était qu’une idée fausse que se donnait les hommes, s’élevant puis retombant, un peu plus bas, et toujours dans la souffrance. S’élevant et retombant. Ca n’était pas l’expression exacte qu’utilisait oncle Julien, mais elle s’en rapprochait tellement. Comment Quentin avait-il pu deviner que son oncle avait sensiblement la même idée? Ethan se serait-il donc montré si transparent? Car enfin, il était impossible que Quentin soit si proche des idées de son oncle. Le chef des Renégats était bien trop égocentrique, bien trop la tête tournée vers le combat, et ne prenait jamais de recul. Ses grandes idées ne lui appartenait pas. Il les volait à d’autres qui passaient trop de temps à les murir. Lui, les utilisait. Et c’était très probablement cela qui fascinait tant Ethan.

Finalement, Ethan n’était pas aussi seul qu’il aurait pu le penser. Trainant les pieds, une jeune femme marchait, la tête baissée, les yeux cloués à ses chaussures, dans une image de petite fille n’ayant pas envie de rentrer chez elle parce qu’elle savait ce qu’il y attendait. L’espoir ne se lisait pas dans cette image. Curieusement, en la regardant, ainsi à la dérobée, Ethan avait la sensation de revenir des années en arrière, à New York. Lorsqu’il se battait chaque jour pour sa survie, lorsqu’il croisait chaque jours des dizaines de paumés, les mains dans les poches, frigorifier même par un soleil resplandissant, fixant le bout de leur chaussure, et terrorisé à l’idée de rentrer chez eux. Cette époque avait beau être révolue, elle faisait partie de sa vie, et chaque habitant de New Eden ou presque la lui rappelait. Si lui avait changé, il avait le sentiment que même dans cetre ville d’espoir, le monde, lui, n’avait pas changé.

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